Depuis la dernière année, j'ai eu à grandir sur nombre de mes immaturités intérieures, et la plus poignante a été d'arriver à dire "non" (donc à dire JE) au risque de décevoir certains de mes proches et amis. Ça n'a pas été facile car pendant longtemps j'étais captive de l'attente des autres à mon égard. Dire "non", dire JE, c'était donc prendre un risque qui touchait à mes insécurités intérieures. C'était prendre le risque de décevoir, prendre le risque de l'incompréhension, prendre le risque de l'abandon, prendre le risque de la solitude. Mais derrière ces risques, il y avait aussi une fécondité merveilleuse, car c'était faire le choix de liberté intérieure et faire le choix de l'amour en vérité. C'est donc de cela, la beauté de cette audace que je désire vous partager.
Étant tous humains et donc ontologiquement fragiles, se décevoir mutuellement nous guette, et il en faut parfois peu! Pourtant, il y a bel et bien quelque chose de beau dans ce brisement, qui est bien souvent douloureux de toute part. Tout est grâce jusqu'à l'extrême douleur, comme le dit si bien Pierre Lacroix.
À chaque fois qu'on se sent déçu par l'autre ou que l'on déçoit autrui, il y a derrière le mystère de Dieu qui purifie notre amour et nous apprend à aimer plus inconditionnellement. Effectivement, dire qu'on est déçu d'une personne sous-tend qu'on a des attentes envers celle-ci, et parfois nos attentes peuvent nier son altérité, la possibilité qu'elle ait un chemin différent du nôtre, la possibilité qu'elle se trompe, qu'elle manque sa cible (donc pèche), etc. Et face à ce brisement, survenu par la déception de notre attente, Dieu purifie notre amour en nous apprenant à davantage aimer comme Lui. Aimer comme Dieu, c'est-à -dire inconditionnellement, car nos attentes rendent notre amour inconsciemment conditionnel. Dieu élargit ainsi notre cœur par sa Miséricorde, et nous permet d'aimer l'autre de plus en plus en vérité et dans sa vérité. Également, lorsqu'on déçoit autrui, nous sommes aussi purifiés par cette situation. Effectivement, cela nous permet parfois d'être purifiés de la captivité du regard de l'autre afin d'être libres d'exprimer notre soi. Aussi, de telles situations mettent en lumière d'autres aspects de notre intériorité à purifier à la lumière divine. Ultimement, cela nous permet de découvrir le visage d'amour inconditionnel de Dieu, qui ne pose sur nous qu'un regard vivifiant plein de tendresse.
Dans les deux cas, oser décevoir est un chemin de sanctification, de sainteté, qui rend chacun davantage à l'image de Dieu, s'il se laisse regarder et transcender par Dieu.
Oser décevoir et être déçus, c'est accueillir l'épreuve de la vérité : accueillir sa vérité et la vérité de l'autre.
Ceci dit, il est intéressant de voir qu'il en va de même dans notre rapport avec Dieu!
Lorsque nous pensons que nous avons déçu Dieu à cause de nos péchés, de nos cibles manquées, là également, Dieu se révèle à nous comme le père dans la parabole de l'enfant prodigue. En écho à Georgette Blanquière, « au cœur de nos échecs humains, Dieu garde l'alliance et reste fidèle (...) Dieu ne reprend jamais ses dons. Jamais! Dieu simplement, poursuit sa quête d'amour, quels que soient nos chemins. Ce qu'il nous a donné alors, il continue de nous le proposer aujourd'hui par un autre chemin». Dans notre relation avec Dieu, Dieu ne rougit pas de nos péchés, mais il désire dans son infinie Miséricorde nous aider à grandir en sainteté. Il nous donne la possibilité, et j'ose le dire, la permission de nous tromper, de nous éloigner, et ainsi afin de mieux le retrouver, de mieux le découvrir. Dieu, en nous aimant ainsi, nous invite à ne pas succomber à la peur qui nous empêche de vivre dans son amour, sa vérité et sa liberté. Il nous invite à la confiance! Confiance dans sa fidélité et son amour. Il nous invite à nous appuyer sur Lui et constamment sur sa Miséricorde, plutôt que sur nous-mêmes. Il nous appelle à le regarder Lui, plutôt qu'à nos péchés.
Également, lorsque nous semblons "déçus" de nos attentes envers Dieu parce que les choses ne se passent pas selon notre entendement, Dieu nous purifie aussi de notre perception de Lui, en nous repositionnant dans la vérité de son être, afin que nous découvrirons toute la grandeur de son amour, et que nous l'aimions mieux, en esprit et en vérité.
Oser décevoir et être déçus, c'est donc finalement oser rencontrer Dieu au cœur de notre fragilité et de notre blessure. C'est oser s'enivrer de la miséricorde divine, c'est oser Aimer!
Enfin, pour conclure cet article, j'aimerais vous laisser avec cette belle citation de Philippe A. qui nous encourage à l'audace de l'Amour :
« Aimer quelqu’un, c’est le rendre autonome, lui laisser son espace de liberté, et lui donner les moyens de nous abandonner pour mieux le retrouver. Comme nous aimons trop l’autre pour le retenir, nous prenons le risque de le perdre. Et ce risque mesuré, c’est l’Amour ».
Signé JM!